
Moi et ma soeur avant, je ne me souviens de quand date la photo
Fashion week-end Oslo Norvége
Bonjour,
Je m´appelle Happy Loketo et suis devenue célèbre sous le nom de Enjimaasai. Je viens d´une famille nomade Maasai de la région d´Iringa, ville qui se trouve au centre des montagnes du sud de la Tanzanie. Comme de nombreux nomades, mon père est polygame avec trois femmes, ma mère étant sa première femme. Nous sommes une famille nombreuse de 21 frères et sœurs, dont 8 sont de ma mère. Je me réjouis que jusqu´à présent nous ayons ressentis amour et respect les uns pour les autres.
Comme de nombreux peuples nomades africains, les Maasai limitent l´accès à l´instruction et l´indépendance des filles. Aujourd´hui encore, on empêche des filles maasai de 13 ans d´aller à l´école et elles sont mariées par intérêt, la dot en vaches grossissant le cheptel de leur père. La tradition veut qu´une fille maasai soit mariée à un homme maasai; dans le cas contraire, si elle se marie avec un homme non maasai, elle cause le déshonneur de la famille et s´en trouve expulsée. Dès qu´un homme, quel que soit son âge, offre aux parents de la fille qu´il convoite, un nombre important de vaches, celle-ci voit son avenir lié à cet homme, sans que son jeune âge soit pris en compte.
Mon peuple ayant peu d´intérêt pour l´instruction scolaires, mes deux sœurs aînées et un de mes frères n´y sont jamais allés, la priorité étant de trouver du pâturage et de l´eau pour le bétail. Nous avons entrevu une leur d´espoir vers 1995 lorsque mon père a commencé à envoyer les enfants à l´école. Mon frère cadet et plus tard moi-même avons eu cette chance. L´école était à 7 km de chez nous et nous y sommes allés à pied, chaque jour, pendant sept ans et par tous les temps; mais cela en valait la peine.
Après l´école primaire, nous fûmes quelques enfants maasai à pouvoir bénéficier d´un parrainage américain pour aller au collège durant quatre ans, jusqu´en 2009. Je savais que si je rentrais à la maison, ce serait la fin des études pour moi. Je décidai donc de ne pas rentrer et je postulai pour la poursuite de mes études à l´université. Mon frère (aujourd´hui décédé) m´hébergea quelques jours puis je me rendis chez mon frère aîné dans une autre ville. Je l´aidai dans son travail en attendant les résultats d´admission. Par bonheur, je fus admise mais mon frère et moi n´avions pas l´argent pour payer les frais d´inscription ni pour m´entretenir et je ne pouvais pas demander d´aide à mon père. Sachant que mon frère ne me laisserait pas aller à l´université sans ressources, je lui mentis et lui racontais que j´avais obtenu une aide économique. Il me donna environ 150 dollars et je partis pour la ville de Mwanza, à l´université. Je savais que cela n´allait pas être facile mais j´étais pleine d´espoir!
J´étais une fille, toute seule et loin de chez elle.
J´arrivai à minuit et me logeais dans une maison d´hôtes. Le lendemain, je me rendis à l´université. J´étais très motivée. Pendant 2 semaines, je suivis les cours à l´université en logeant dans une maison d´hôtes. N´ayant plus un sou, je dus demander l´aide d´amis qui m´hébergèrent. Je suivais les cours sans pouvoir passer les examens n´ayant pas pu payer tous les frais d´inscription.
A Dar-es Salaam, la capitale, où j´eu l´occasion de me rendre, je demandai de l´aide à plusieurs association, à l´église et partout où je pouvais. Je participai à des interviews diffusées à la télévision d´Afrique de l´Est et de nombreuses personnes me firent des promesses de dons mais rien ne se concrétisa. J´empruntai de l´argent à un ami et je me mis à fabriquer des chaussures et des décorations avec des perles pour les vendre tout en continuant à demander de l´aide.
Un de mes camarades étudiants me dit que je pouvais demander de l´aide à une femme blanche résidant à Tanga: elle soutenait l´instruction des filles. Je décidai de trouver cette femme coûte que coûte. Un de mes camarades étudiants me dit que je pouvais demander de l´aide à une femme blanche à Tanga qui aidait les filles pour qu´elles aient accès à l´école. Je décidai de trouver cette femme coûte que coûte. Je me rappelle m´être réveillée un matin à 3 heures et m´être rendue à la gare routière pour aller à Tanga en espérant trouver cette femme. Je n´avais en poche que le billet de bus et l´équivalent de 5 dollars. Je pris le bus qui passait par Arusha, dormis dans le bus durant la nuit et atteignis Tanga dans l´après-midi. Je demandais sans relâche à tous les gens que je rencontrai où se trouvait cette femme, sachant quelle était mon seul espoir. A un moment donné, quelqu´un me dit qu´il connaissait un lieu où se trouvaient des blancs et que peut-être j´obtiendrai des informations concernant la femme que je cherchai.
Ma vie prit un tournant quand je rencontrai Ruth Nesije la directrice du Tanga International Competence Centre (TICC) , entreprise sociale basée en Norvège: Elle m´accueillit très chaleureusement, finança mes études et m´offrit un poste de directrice d´approvisionnement. Je lui serai éternellement reconnaissante de la compassion qu´elle eut pour moi.
Tout en travaillant, je continuai à dessiner pendant mon temps libre et un an plus tard je lançai ma marque "Enjimaasai". J´ouvris mon magasin et mon commerce connut un large succès. J´eus l´opportunité de présenter mes créations à la semaine de la mode Swahili à laquelle je participe depuis 2017, puis à la Jarga Art and Fashion Weekend d´Oslo à trois reprises. J´ai été nominée pour des prix à trois reprises et ai été invitée deux fois à la Semaine de la mode de New York en 2020 et 2021 mais ne pus pas y participer en raison de la pandémie.
Je connus le succès en tant que styliste et j´établis des contacts entre la Tanzanie et l´Europe. Quand je me revois, jeune et sans défenses, bataillant pour devenir celle que je suis aujourd´hui, vivant actuellement dans deux cultures différentes, celle de Tanzanie et l´européenne, je sens une gratitude infinie.
Je rencontrai mon compagnon, Bruno, un français beau et charmant, venu en Tanzanie à Tanga pour un projet de gazoduc. Il m´a montré tant d´amour et voudrait étendre cet amour à mon peuple. Bruno est ingénieur géologue mais il aime également travailler dans la construction et c´est ainsi que nous pensons qu´entre tous les deux, il sera plus aisé d´aider les femmes Maasai.
J´ai été aidée et j´ai réussi, je veux donc en retour aider les miens. Dans mon village, je suis la deuxième, après mon frère défunt, à avoir eu accès à l´université. A chaque visite, tous les enfants qui vont à l´école me regardent et espèrent pouvoir faire de même. J´ai toujours souhaité les aider et c´est maintenant le moment. Il y a de nombreuses filles Masaai en Tanzanie qui passent par les mêmes épreuves que celles que j´ai traversées mais n´ont personne pour les aider. La vie de ma mère, de mes sœurs et de la plupart des femmes est soumise aux hommes et souffre de discriminations. C´est le rêve de tout être humain de vivre libre, d´avoir l´eau près de chez soi et de trouver un temple où il puisse se rendre pour chanter et prier paisiblement.